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Direction de la séance

conclusions commission des lois

Proposition de loi

Législation funéraire

(1ère lecture)

(n° 386 , 386 )

N° 3 rect.

21 juin 2006


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Retiré

Mme PAPON, M. TRILLARD et Mme PROCACCIA


ARTICLE ADDITIONNEL AVANT ARTICLE 20


Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du second alinéa de l'article 79-1 du code civil est complétée in fine par les mots : « lorsque l'enfant est né vivant mais non viable ou lorsque l'enfant est mort-né après un terme de quatorze semaines d'aménorrhée »

Objet

L'article 79-1 du code civil pose le principe de l'établissement par l'officier d'état civil d'un « acte d'enfant sans vie » lorsque l'enfant est né non viable. Cet acte est inscrit sur les registres de décès mais il ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non.
Il a été admis qu'il revenait au pouvoir réglementaire de fixer les conditions dans lesquelles les parents d'enfants nés non viables pouvaient bénéficier de l'établissement de cet acte.
Ainsi, aux termes de la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 relative à l'enregistrement à l'état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance, confirmée par l'instruction du ministère de la justice du 29 mars 2002, l'officier d'état civil établit un acte d'enfant sans vie :
lorsque l'enfant est né vivant mais non viable ;
ou lorsque l'enfant est mort-né après un terme de 22 semaines d'aménorrhée ou s'il a atteint un poids de 500 grammes.
Cette évolution est allée dans le bon sens puisqu'elle s'est substituée à la rédaction antérieure de l'instruction générale relative à l'état civil qui prévoyait un délai de 180 jours de gestation pour un tel enregistrement. Cette nouvelle durée est plus protectrice des droits des parents et scientifiquement plus convaincante.
Cet acte, simplement inscrit sur les registres de décès, n'emporte ni reconnaissance de la personnalité juridique ni établissement d'un lien de filiation. Il n'ouvre d'autre droit que celui de laisser une trace de l'enfant mort-né sur le livret de famille. De plus, l'établissement de cet acte permet à la famille de faire procéder, à sa charge, à l'inhumation ou la crémation du corps ; la commune conservant la faculté d'aider financièrement les familles en difficulté.
Cet « acte d'enfant sans vie » n'a d'autre vocation que de « témoigner pour les parents de l'existence de l'enfant et, par là même, d'aider les parents et la famille dans leur travail de deuil » ainsi que le soulignaient les co-rapporteurs, Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Sueur, de la mission d'information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire, aujourd'hui respectivement rapporteur et auteur de la proposition de loi.
Pour autant, les enfants mort-nés en deçà de ce seuil de 22 semaines d'aménorrhée, s'ils pèsent moins de 500 grammes, ne peuvent bénéficier de cette réglementation. Certes, ce seuil a été choisi car il correspondait selon l'organisation mondiale de la santé au seuil de viabilité d'un enfant ; mais peut-on considérer que pour les parents, l'enfant n'existe pas déjà avant qu'il ait atteint ce délai qui correspond tout de même à presque 5 mois de grossesse.
D'ailleurs, la circulaire susmentionnée de 2001 a parfaitement reconnu cette douleur des familles, y compris en deçà de ce seuil puisqu'elle précise que « lorsque l'enfant est mort-né quelle que soit la durée de gestation, l'établissement de santé est tenu d'informer la famille sur les différentes possibilités de prise en charge du corps ». De surcroît, elle indique que « quelle que soit la décision prise par la famille en matière de prise en charge du corps, le personnel soignant veillera à proposer, sans imposer, un accompagnement facilitant le travail de deuil ».
Enfin, l'ancien Garde des Sceaux, Dominique Perben, en réponse à une question écrite des auteurs de l'amendement, indiquait en 2004 qu'il était loisible au maire de permettre l'inhumation ou l'incinération du corps de l'enfant, même en l'absence d'acte d'enfant sans vie, en considération du caractère douloureux de ces situations. De nombreuses communes ont ainsi décidé la création de « carrés des anges », ainsi que le rappelle Jean-René Lecerf dans son rapport, espaces réservés dans les cimetières pour l'inhumation des enfants sans vie, et éventuellement, des fœtus.
Toutes ces dispositions démontrent que la douleur des familles peut être prise en compte. Pourquoi dès lors refuser le dernier symbole qui permettrait à ces familles de reconnaître une existence à cet enfant mort-né, dès lors que cette reconnaissance n'emporterait aucun effet juridique ? Pourquoi continuer à traiter ces enfants, sémantiquement, comme des « pièces anatomiques », alors que personne ne doute de la douleur des familles ?
L'argument consistant à craindre l'ouverture de la « boîte de Pandore », sur le débat du statut du fœtus ne tient pas puisque l'établissement d'un acte d'enfant sans vie n'emporte aucune conséquence juridique.
L'argument qui consiste à s'inquiéter des conséquences en matière de restriction du champ de l'IVG ne tient pas non plus puisque la rédaction proposée vise justement à ne pas interférer dans ce débat. En effet, aux termes de l'article L. 2212-1 du code de la santé publique, l'IVG « ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la douzième semaine de grossesse ».
Or, cet amendement ne s'intéresse qu'à la période de 8 semaines qui court entre la 12e semaine de grossesse, c'est-à-dire la 14e semaine d'aménorrhée, seuil en deçà duquel il
n'est pas souhaitable de procéder à l'établissement d'un « acte d'enfant sans vie » afin de ne pas remettre en question la législation sur l'interruption volontaire de grossesse, et la 22e semaine qui est le seuil actuellement reconnu.
Permettre l'établissement d'un acte d'enfant sans vie pour un enfant mort-né entre la 14e et la 22e semaine d'aménorrhée serait de nature à prendre en compte la douleur des familles, sans aucunement rompre l'équilibre actuel de nos législations et réglementation dans ces domaines sensibles.


NB :La rectification porte sur la liste des signataires.