Direction de la séance |
Projet de loi confiance dans l'économie numérique (2ème lecture) (n° 144 , 232 ) |
N° 37 5 avril 2004 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. KAROUTCHI ARTICLE 12 |
Rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. – Le premier alinéa de l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications s'applique aux prospections directes utilisant des coordonnées de personnes physiques collectées à compter de la publication de la présente loi.
Les autres alinéas du même article s'appliquent à compter de la publication de la présente loi.
Objet
1. Une rétroaction pénale…
Sur le régime transitoire (Article 12, IV.), le dispositif retenu n'organise pas une transition, mais une rétroaction de la loi.
Il s'agirait, six mois après l'adoption de la LCEN, de rendre passibles de l'article 226-18 du code pénal (5 ans de prison et jusqu'à 1,5 millions d'euros d'amende), le fait pour une entreprise de continuer à démarcher une personne qui ne lui aura jamais indiqué qu'elle ne le souhaite plus désormais et alors même que cette personne avait fourni ses coordonnées à l'entreprise :
- avant l'adoption de la LCEN,
- et dans des conditions respectant parfaitement la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 : déclaration à la CNIL, information de la personne sur la finalité du traitement de ses coordonnées, sur l'identité du collecteur des coordonnées, sur le droit d'accès et de rectification, sur le droit d'opposition à recevoir des prospections, sur le droit de radiation définitive des fichiers, etc.
On peut s'étonner de l'acharnement du législateur à vouloir sanctionner les entreprises qui ont respecté la loi « informatique et libertés » en vigueur et qui n'ont pas, jusqu'à présent, appliqué une loi (la LCEN) qui n'est pas encore adoptée à ce jour.
Puisqu'il s'agit de faire se succéder deux textes, le régime transitoire le plus protecteur pour les personnes et qui ne sanctionnerait pas injustement les entreprises respectueuses de la loi (les autres pouvant être poursuivies) devrait simplement être celui prévu par l'amendement proposé.
2. Sur l'incitation législative à « spammer » les français
Le texte discuté incite, en l'état, les entreprises françaises à prospecter dans les prochains mois tous leurs clients et prospects pour leur demander l'autorisation de…les prospecter (sic).
Il est bien évident que toute communication d'une entreprise auprès de ses clients aura les caractéristiques d'une communication commerciale et sera, en soi, contraire au régime nouveau. Même si cette contrariété est aménagée par le texte discuté, il n'en demeure pas moins que le régime transitoire conduira toutes les entreprises françaises à susciter avant la fin de l'année 2004 l'autorisation de tous leurs clients et prospects à recevoir ultérieurement des prospections électroniques. Tous les incitatifs seront bons pour déguiser ce consentement en adhésions à des avantages commerciaux réels ou fictifs.
Les résultats de l'opération « Halte au Spam » menée entre juillet et septembre 2002 par la CNIL révèlent que seuls 3% des messages électroniques non sollicités reçus par les internautes français proviennent de sociétés françaises ou de l'Union européenne. Il serait paradoxal qu'une disposition législative incite les entreprises françaises à faire augmenter ce chiffre durant les prochains mois.
3. Sur la perte de valeur économique pour nos entreprises
Les entreprises qui n'auraient pas recueilli avant la fin du « régime transitoire » 100% de consentements de leurs clients actuels, perdraient instantanément la portion de leurs fichiers qui n'aurait pas été « convertie » par l'obtention du consentement des personnes. Cela représente, des dizaines de millions d'euros d'investissement en relation client.
Les entreprises ne supporteront pas de voir partir en fumée ces investissements réalisés dans le respect de la législation de 1978, qui n'est pourtant pas la plus laxiste. Il est à craindre, face à cet enjeu, que la communication des entreprises auprès de leurs clients soit peu claire sur la portée réelle du consentement sollicité. Ne détruisons pas de la valeur sans raison ni la valeur actuelle d'une économie numérique qui tire notre croissance.
Construire la confiance dans l'économie numérique de demain ne consiste pas à détruire l'économie numérique d'aujourd'hui qui, si elle reposait sur des fondements illégaux, serait d'ores et déjà sanctionnable, ce qui n'est pas le cas.
Sortons du procès d'intention contre nos entreprises, nos objectifs communs d'une meilleure protection du consommateur n'en sortiront pas affaiblis pour autant (à la différence de notre crédibilité).